L’orthophonie et l’audiologie sont des professions fondamentalement scientifiques pour lesquelles la pratique s’appuie nécessairement sur les données probantes. Du point de vue de l’obligation déontologique qui en découle, cette caractéristique indéniable confère crédibilité à nos actions et confiance de la part du public et de nos consœurs et confrères d’autres disciplines.

Par ailleurs, la pratique clinique de l’audiologiste et de l’orthophoniste est complexe puisqu’elle est axée sur l’humain, sa diversité, ses besoins fondamentaux, son intégration sociale et professionnelle, en plus d’avoir une composante évidente de relation d’aide. De plus, ces activités professionnelles s’exercent dans des contextes et des environnements tout aussi diversifiés. Ces spécificités obligent les cliniciennes et cliniciens à se remettre constamment en question et à utiliser leur raisonnement clinique de concert avec les normes de pratique existantes, généralement reconnues et en constante évolution. Qui n’a pas ressenti, à un moment ou à un autre, une certaine impuissance ou un doute quant à l’efficacité de ses interventions, et ce, malgré une prise en charge dans les règles de l’art ? Cette dualité entre l’adhésion aux normes, une saine remise en question et la tentation d’explorer de nouvelles façons de faire se présente parfois comme un véritable jeu d’équilibriste qui nous freine d’innover par crainte de transgresser cette fine ligne de la conformité.

Or, parmi les nouvelles valeurs dont l’Ordre s’est doté, celle de l’innovation est apparue comme une évidence pour le conseil d’administration en vertu du monde en constante et rapide évolution. Cette valeur faisait aussi écho à la vision d’audace et de courage que l’on s’est donnée comme organisation. Innover, c’est la seule façon d’évoluer et d’opérer les changements nécessaires pour que l’orthophonie et l’audiologie demeurent des sciences agiles et de leur temps. La mise en œuvre rapide de la télépratique en est un exemple parfait. Il aura fallu une pandémie et un confinement généralisé pour que cette modalité devienne une norme de pratique incontournable dans plusieurs domaines de la santé et des services sociaux. Je suis prêt à parier qu’une grande majorité d’orthophonistes et d’audiologistes (dont je fais partie) hésitaient, voire évitaient d’avoir recours à un tel outil pour toutes sortes de raisons.

Je souhaite que l’Ordre, avec ses membres, amorce une conversation courageuse sur la pratique clinique pour identifier les obstacles à l’innovation. D’une part, l’OOAQ se doit d’accompagner et de rassurer les membres dans ce jeu d’équilibriste. D’autre part, bien que la recherche soit au service de la pratique clinique, il faut aussi que l’innovation clinique soit un moteur de la recherche afin de développer de nouvelles normes de pratique. D’ailleurs, vous verrez dans cette infolettre l’appel de candidatures pour les bourses OOAQ-REPAR qui ont justement pour objectif de mettre de l’avant des projets initiés par des cliniciennes et cliniciens et appuyés par des chercheuses et chercheurs. Il est souhaitable que nous n’attendions pas que l’innovation s’impose d’elle-même par des facteurs externes, mais qu’elle émerge de l’expérience sur le terrain.

Votre président,

Paul-André Gallant, MBA, M.P.O., orthophoniste