Parfois minces, parfois mieux définies, les frontières sont souvent déterminantes, mais également empreintes de nuances. Qu’elles nous freinent ou nous encadrent, qu’on les teste ou les déteste, ces limites font partie de notre quotidien d’orthophonistes et d’audiologistes. De plus en plus, et afin de mieux s’adapter aux réalités et enjeux cliniques, elles sont au centre des discussions entre les professionnelles, professionnels, ordres et gestionnaires. Comment peut-on avancer, innover, malgré les barrières qui nous sont imposées par la loi, l’éthique ou la déontologie ? Je vous partage mes réflexions en deux temps. D’abord, d’un point de vue plus systémique, puis, dans une prochaine infolettre, avec un œil plus personnel et clinique.

Les grands courants actuels de collaboration interprofessionnelle et d’élargissement des pratiques, entre autres, nous amènent à réfléchir aux frontières que nous voulons faire tomber ou celles que nous souhaitons à tout prix protéger. Faire bouger les frontières, les repousser n’est pas chose aisée. Certaines personnes ou organisations y gagnent alors que d’autres doivent faire des concessions. C’est immanquable. Il faut donc régulièrement revenir à notre intention de départ, soit que ces changements et nos actions demeurent orientés vers l’amélioration et l’accessibilité des services pour la population.

« La peur de perdre ou de gagner sans concession ne doit pas conduire au statu quo au regard des services que l’on promulgue. »

En ce sens, pour l’Ordre, l’accessibilité compétente doit toujours demeurer la prémisse au bénéfice de la population. Que ce soit par la démonstration de leur expertise ou par la reconnaissance d’un besoin dans un milieu ou auprès d’une clientèle particulière, les professionnelles et professionnels doivent être en mesure d’utiliser leurs compétences et de prendre leur place dans les limites de leur champ d’exercices. Rendre les frontières plus perméables peut engendrer des opportunités, notamment sur le plan du développement professionnel. Cependant, un excès de protectionnisme, et ce, peu importe de quel côté de la frontière où l’on se situe, devrait être évité. Il est impératif de s’entendre sur les moyens d’éviter toute confusion en informant adéquatement les personnes de la distinction entre les compétences et les rôles des professionnelles et professionnels.

Ce sont ces réflexions et ces principes qui guident toujours les démarches de l’Ordre, par exemple, dans les dossiers sur l’accessibilité à la prothèse auditive, celui de la reconnaissance du diagnostic, ou encore celui de la pertinence d’un titre d’emploi en intervention du langage pour pallier les grands besoins en orthophonie.

Ainsi, chacune et chacun d’entre nous, face à nos limites et nos frontières, doit faire preuve d’une grande humilité, mais aussi d’une grande lucidité, puisque chaque obstacle impose parfois un moment d’arrêt nécessaire, mais soulève aussi des opportunités. Et, la peur de perdre ou de gagner sans concession ne doit pas conduire au statu quo au regard des services que l’on promulgue. Cela demande communication, ouverture et courage.

Votre président,

Paul-André Gallant, MBA, ASC, M.P.O., orthophoniste