La pratique mixte suscite de nombreuses interrogations, tant de la part des employeuses et employeurs que des membres. Cette fiche a pour but de soutenir les orthophonistes et audiologistes dans leurs réflexions et leurs prises de décisions.

Définitions

La pratique mixte fait référence à la pratique des orthophonistes et des audiologistes qui exercent des activités professionnelles en pratique privée, tout en exerçant simultanément dans le réseau public.

Une personne est en conflit d’intérêts lorsqu’elle a la possibilité de favoriser ses intérêts personnels (ou ceux d’autres personnes) plutôt que les intérêts de l’organisme pour lequel elle travaille ou de la clientèle à qui elle offre des services. Les situations de conflit d’intérêts doivent être considérées avec discernement. Il est prudent de réagir dès qu’une situation soulève des doutes ou qu’il y a une apparence de conflit d’intérêts.

Objectifs

  1. Soutenir la réflexion des orthophonistes et des audiologistes exerçant en pratique mixte pour leur permettre de respecter les obligations réglementaires et éviter des situations de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts.

  2. Comprendre et mieux saisir les enjeux associés à l’exercice de l’orthophonie et de l’audiologie en pratique mixte.

Mises en situation

  • Une orthophoniste peut-elle offrir à ses patientes rencontrées et patients rencontrés au CLSC de les consulter également en pratique privée ?
  • Un audiologiste peut-il utiliser la liste d’attente du centre hospitalier où il travaille pour offrir des services en pratique privée ?
  • Un établissement public peut-il encadrer ou empêcher la pratique privée des orthophonistes et des audiologistes qu’il engage ?

Agir avec loyauté et en respectant ses obligations déontologiques

Aucune loi ou réglementation de juridiction provinciale n’interdit expressément aux orthophonistes et aux audiologistes d’exercer en pratique mixte. En revanche, les membres ont des obligations et des responsabilités comme employées et employés ainsi que comme professionnelles et professionnels.

Une des obligations est d’agir avec loyauté envers son employeuse ou employeur. Le devoir de loyauté se fonde sur l’idée que la personne qui emploie doit pouvoir avoir confiance en ses employées et employés, que ce soit sur les lieux de son travail ou ailleurs.

Le Code civil stipule que la salariée ou le salarié doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel obtenue dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.

À ces obligations qui s’appliquent aux salariées et salariés, s’ajoutent des obligations réglementaires qui sous-tendent les actions et les décisions prises par les orthophonistes et les audiologistes.

Loyauté envers l’employeuse ou employeur

Les employées et employés ont des obligations de loyauté envers la personne qui les emploie. Les orthophonistes et les audiologistes doivent notamment respecter les consignes de leurs supérieures et supérieurs à moins de circonstances exceptionnelles où, par exemple, la personne au pouvoir demanderait de faire quelque chose de dangereux ou d’illégal.

Si la personne qui emploie s’est dotée d’une règle ou d’une politique encadrant la pratique mixte, l’orthophoniste ou l’audiologiste doit la respecter. Certains éléments de cette politique pourraient toutefois sembler aller à l’encontre des obligations réglementaires des membres ou des intérêts des clientes et clients. Il est alors justifié et important d’en discuter avec l’employeuse ou employeur pour analyser les différentes perspectives mises en cause.

L’intérêt des clientes et clients devrait primer, mais il se peut que dans certaines situations encadrées par une politique organisationnelle, les clientes et clients aient à faire des choix et doivent renoncer à l’un ou l’autre des services offerts dans le réseau public ou privé.

Enfin, l’employée ou employé ne devrait pas utiliser le matériel fourni à son travail pour son bénéfice personnel. Ce genre de comportement est déloyal. Lorsque l’orthophoniste ou l’audiologiste exerce en pratique privée, elle ou il doit utiliser ses propres outils de travail.

Honnêteté envers l’employeuse ou employeur

Dans un souci de transparence et de prévention des situations litigieuses, il est de la responsabilité de l’orthophoniste ou de l’audiologiste exerçant dans le réseau public d’informer son employeuse ou employeur de son offre ou de son intention d’offrir des services professionnels en pratique mixte.

Dans ces circonstances ou même parfois d’office, certaines employeuses et certains employeurs exigent une déclaration d’intérêts signée, que l’orthophoniste ou l’audiologiste exerce déjà ou non en pratique mixte. Cette déclaration d’intérêts permet de rapporter l’existence de la situation, mais elle n’autorise pas et n’interdit pas en elle-même d’exercer en pratique mixte. Il faudra, dans tous les cas, analyser avec la personne qui emploie les intérêts déclarés et les activités professionnelles exercées de façon concomitante pour ensuite déterminer si un conflit d’intérêts existe. Si tel est le cas, l’orthophoniste ou l’audiologiste aura alors l’obligation de corriger la situation.

Par ailleurs, tout changement qui survient dans les activités professionnelles exercées dans l’une ou l’autre de ces pratiques devrait faire l’objet des modifications nécessaires à la déclaration d’intérêts initiale et d’une nouvelle analyse de l’employeuse ou employeur.

Protection des informations confidentielles

Deux types d’informations confidentielles seront abordées. D’abord, les informations auxquelles les employées et employés ont accès dans le cadre de leur travail qui, par exemple, seraient des informations financières ou des informations privées sur les bénéficiaires des services de l’employeuse ou employeur. Dans ce cas, l’orthophoniste ou l’audiologiste ne pourrait utiliser des noms de clientes ou clients sur une liste d’attente pour recevoir des services chez son employeuse ou employeur du réseau public de façon à en tirer profit pour sa pratique privée.

Ensuite, des données professionnelles ou cliniques concernant une cliente ou un client peuvent être facilement accessibles pour une professionnelle ou un professionnel, et ce, peu importe son implication auprès de la personne. Dans de tels cas, les règles déontologiques habituelles de confidentialité et de consentement à l’accès ou à la transmission de l’information sont applicables. Que la ou le membre intervienne ou non d’un milieu de pratique à l’autre, chaque personne doit obtenir le consentement libre et éclairé de sa clientèle pour tout accès ou transmission d’informations la concernant.

Intérêts de la cliente ou du client

Il existe différentes situations nécessitant une attention particulière et une réflexion quant à la possibilité pour les orthophonistes et audiologistes d’entreprendre ou de poursuivre des suivis en pratique privée avec la clientèle admissible, suivie ou ayant terminée un suivi dans l’établissement du réseau public où elles et ils travaillent.

D’abord, il est important de rappeler que les autoréférences vers ses propres services en pratique privée, dont le fait d’inciter les clientes et clients à qui l’orthophoniste ou l’audiologiste rend des services professionnels dans le cadre de sa pratique au public, à devenir ses clientes et clients en pratique privée, ne sont pas acceptables. Cependant, il pourrait arriver que ce soit la cliente ou le client qui sollicite directement l’orthophoniste ou l’audiologiste pour débuter ou poursuivre des services avec elle ou lui en pratique privée, car elle ou il n’a pas ou n’a plus accès aux services publics (que ce soit temporairement ou de façon permanente). Il devient alors important de clarifier la situation afin d’éviter toute apparence de conflits d’intérêts. Des notes décrivant clairement la demande de la cliente ou du client, les démarches de recommandations de ressources en pratique privée effectuées, le contexte, le besoin d’expertise ou de continuité de services devront être consignées à l’un ou l’autre ou aux deux dossiers, selon le cas. Elles permettront de témoigner des actions réalisées par l’orthophoniste, l’audiologiste, la cliente ou le client et justifier une prise en charge en pratique privée de façon simultanée ou consécutive.

En résumé

Il n’y a pas de réponse unique ou sans équivoque sur la possibilité d’offrir des services en pratique mixte. Une analyse au cas par cas, bien documentée, le respect des obligations et exigences associées à une politique organisationnelle et le jugement de l’orthophoniste ou de l’audiologiste seront de mise. Il faut toutefois rappeler que les décisions professionnelles concernant les services à rendre à des clientes et clients doivent toujours être prises dans l’intérêt de la clientèle et non dans l’intérêt de l’orthophoniste ou de l’audiologiste.

Conclusion

Il est possible pour les orthophonistes et audiologistes d’offrir des services professionnels de façon concomitante en pratique privée et comme employées et employés du réseau public. Dans un tel cas, les membres doivent tenir compte de leurs obligations envers leur employeuse ou employeur, respecter leurs obligations déontologiques et éthiques, bien représenter les intérêts de la clientèle et faire preuve de prudence, de transparence et d’indépendance professionnelle.


Référence : Code civil du Québec (article 2088), Code de déontologie de l’OOAQ (articles 29, 30, 31, 32, 25, 36)